Quarterback VS Nerd – Episode 1

– ÉPISODE 1 –

     Pourquoi je me suis portée volontaire pour faire ces maudits gâteaux ? Je m’entends dire aux garçons de ne pas s’inquiéter, que ma mère était la reine de la pâtisserie. Vraiment, j’ai été stupide de me laisser avoir par leurs moues désespérées. Maintenant, la cuisine ressemble à un champ de bataille. De la farine s’est déposée jusqu’au plafond, un œuf dégouline du plan de travail et le four tinte pour la quatrième fois. En plus, les cartes de recettes de Maman sont tachées de beurre.

     Quand je les vois, j’ai toujours un pincement au cœur. Je me souviens de ces dimanches où elle préparait un gâteau pour le goûter alors que je la regardais avec gourmandise, accoudée au comptoir.

     Ma tête bascule en arrière, j’essuie la sueur sur mon front du dos de la main et sors les cookies avant qu’ils ne crament. D’un coup d’œil, je constate qu’il est déjà six heures du matin et je dois encore faire cuire une tarte aux pommes. Je tire sur le papier sulfurisé de la plaque et me brûle les doigts.

Un hurlement de douleur m’échappe. Je le regrette aussitôt quand j’entends ma tante descendre les escaliers. Je n’aime pas la réveiller, ça a tendance à la rendre de mauvaise humeur. La main sous le jet d’eau froide, je la regarde bâiller et s’étirer dans son vieux peignoir rose. Ses cheveux en dégradé de bleu jurent avec le vêtement. Toutes les deux, nous nous ressemblons. Même visage anguleux. Même teint olivâtre. Mêmes yeux cobalt en amande. D’ailleurs, on la prend souvent pour ma mère, alors qu’elle n’a que trente-cinq ans.

     — Je peux savoir ce que tu fiches à six heures du mat’ à faire des gâteaux ? grogne-t-elle en se laissant tomber sur une chaise.

     Elle pose ses coudes sur la table en formica, prend sa tête dans ses mains. Tantine n’est pas du matin. C’est pour pouvoir dormir au maximum qu’elle a installé son salon de coiffure à côté de la maison. Et par à côté, je veux dire qu’il n’y a qu’une porte qui le sépare de notre pièce à vivre au rez-de-chaussée.

     — Alors ? insiste-t-elle.

     La main toujours sous l’eau glacée, j’attrape une dosette et la glisse dans notre machine à café.

     — C’est pour aider à financer le voyage du club de sciences à New York, pour les nationales du maths’rathon.

     Sa petite tasse en faïence se remplit. J’adore l’odeur du café de bon matin. Elle se contente de hocher la tête. À peine soulagée, je retourne à la plaque du four pour y mettre ma tarte aux pommes. Cette fois, je m’arme d’une manique pour toucher le métal et l’enfourne avec un long soupir de soulagement. Enfin je vois le bout des préparations.

      — Tantine, je te laisse surveiller la tarte, je dois me doucher.

     Elle marmonne quelque chose que je prends pour un oui. Je grimpe quatre à quatre les escaliers qui font face à notre porte d’entrée et m’enferme dans la petite salle de bains à l’étage. Les carreaux roses et noirs sont immondes, tout droit venus d’une mode du passé. On n’a pas les moyens de rénover la pièce, alors on se contente de se réjouir que la plomberie fonctionne.

     Je me penche en avant, fais une tresse plaquée qui part de ma nuque jusqu’au sommet du crâne où j’attache mes cheveux en un chignon flou. Avant, ils étaient d’un blond sage. Mais, depuis que je vis avec ma coloriste de tante, ils sont lavande-pastel. Me colorer les cheveux a été une véritable bouffée d’oxygène après mon deuil. Durant des mois, je n’ai porté que du noir en pleurant mes parents. Puis, un jour, j’en ai eu marre du noir. J’en ai eu marre d’être transparente. Et j’en ai eu marre de pleurer. Alors, je suis passée au lavande pour remettre de la couleur dans ma vie. Et j’ai tout organisé en petites cases à mon entrée au lycée. Pour être forte. Pour ne plus m’effondrer partout dans ma vie. Désormais, si je m’effondre dans une case, ça ne débordera pas dans l’autre. Et pour évacuer le trop-plein d’émotions, toutes ces choses que j’ai du mal à gérer, je cours. Comme je le faisais avec mes parents.

     L’eau chaude est un délice sur ma peau, cependant je ne traîne pas. Enroulée dans une serviette moelleuse, je vais dans ma chambre. Les murs au papier peint défraîchi sont couverts de photos. On pourrait s’attendre à ce que je sois fan d’un groupe ou amoureuse d’un acteur. Après tout, c’est ce qui est normal quand on a seize ans. Mais pas moi. Non. Moi, mon truc, c’est les catastrophes naturelles. Et sur mes murs, on ne trouve que des tornades. Ce sont des photos qui ont été prises par mes parents, alors j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux.

     Sur un petit bureau à côté de la fenêtre, mon ordinateur ronronne. Je ne l’éteins jamais et j’ai tendance à jouer en ligne jusqu’à des heures pas possibles. Mais ma tante ne dit rien, à partir du moment où je me lève pour aller en cours.

     — Carter ! Dépêche-toi, Pierce est là !

     Un jean. Un tee-shirt. Des Doc’s Martens anthracite tachées de peinture. La veste en cuir cintré de ma mère.

     C’est tous les jours la même tenue. Sauf en hiver où j’ose le pull à motifs. Je bazarde mon sac bandoulière sur mon épaule, mes doigts accrochent le sigle biohazard tagué dessus. Je dévale les escaliers, mon meilleur ami m’attend sous l’arche de la cuisine avec un énorme cabas. Ses boucles noires retombent sur son front, soulignent son regard vert rieur.

     Je l’étreins, constate que les gâteaux ont disparu de la table.

     — J’ai tout emballé, explique-t-il. On doit se bouger, le bus ne va pas tarder.

     Le bus… Une obligation à cause des pâtisseries. Je m’en serais bien passé. Je déteste cette carcasse où s’entassent de trop nombreux lycéens jusqu’à imprégner le skaï abîmé de divers effluves corporels.

     — Je suppose que je vais devoir finir de ranger ce bazar ? ronchonne Tantine.

     — Désolée, je pensais avoir plus de temps, je grimace.

     Elle agite la main, signe que ça ne la dérange pas vraiment. J’attrape le parfum posé sur le guéridon de l’entrée, en vaporise un peu au creux de mon cou et vérifie rapidement mon allure dans le miroir ovale qui le surplombe.

     — Tu ne veux pas mettre du correcteur sur ta cicatrice ?

     Tous les matins, c’est la même question. Elle déteste ce trait blanc qui ressort dans une légère boursouflure sous mon œil gauche. Je secoue négativement la tête, cette cicatrice est un souvenir qui fait partie de moi. Alors je refuse de la camoufler, de la renier. Elle est importante, et je m’y accroche. C’est un souvenir de mes parents. Une marque de mon histoire. Au début, je l’ai détestée. Puis, avec le temps, je me suis mise à l’aimer autant que les photos avec mes parents.

     — Allez, il est temps d’aller au bus, lance Pierce.

     Habile détournement de la conversation. Je quitte notre maison aux boiseries vertes. Je n’ai plus pris le bus depuis l’an dernier, quand j’ai eu ma moto d’occase pour mon anniversaire. Je me laisse tomber sur la première banquette de libre. Les rues pittoresques de notre petite ville du Kansas défilent. Je la connais par cœur. Ma mère était originaire du coin, j’y ai toujours vécu.

     Les magasins s’alignent avec leurs façades colorées. La grande avenue principale traverse le centre-ville et des petites rues perpendiculaires desservent le reste. Notre ville est jeune, elle a été bâtie durant l’entre-deux-guerres, ce qui lui confère une allure artificielle. Les routes sont si droites que le regard n’est arrêté que par les immeubles ou les maisons au bout.

     Le bus effectue plusieurs arrêts, j’ai l’impression que le trajet dure mille ans. Pierce révise le contrôle de maths. Je me demande comment il fait pour se concentrer au milieu de tout ce chahut. Lorsque nous arrivons au lycée, il y a déjà foule. Les cheerleaders répètent leur chant devant l’entrée principale, je ne peux m’empêcher de rouler des yeux. Est-ce que le club de sciences s’amuse à faire des équations devant les portes pour se montrer ? Non. Je les trouve tellement ridicules avec leur manière d’épeler « Thunder ». On peut au moins les féliciter de connaître leur alphabet, ce qui est énorme pour ces têtes de linotte.

     Dans les couloirs, les murs sont tapissés d’affiches encourageant les Thunder. Toutes les équipes du lycée portent ce nom. C’est notre bannière commune, l’image du bahut à travers tout le pays. De ce fait, je fais partie de la « même » équipe que ceux qui nous torturent au quotidien, puisque le club de sciences représente le lycée en compétition. Mais j’évite de me promener avec le tee-shirt à l’effigie de l’équipe. C’est pas dans mon délire de porter les couleurs de notre lycée. 

     — Je vais déposer les gâteaux chez la conseillère, lance Pierce.

     J’acquiesce et fends la foule jusqu’à une porte dérobée. Je monte les escaliers vieillots au carrelage jaunâtre datant probablement des années 80. Une fois sur le toit, je respire. C’est une immense terrasse entourée par un haut grillage sur lequel courent des plantes grimpantes. Mes pieds s’enfoncent légèrement dans le gazon artificiel, mes narines se dilatent pour mieux apprécier le parfum des fleurs en pot. Je suis prête à savourer ma solitude, quand un gloussement brise ma bulle.

     Mon regard capte la carrure massive du quarterback et les longues jambes fuselées de Candice, une cheerleader prête à tout pour réussir. Elle porte l’uniforme bleu marine, blanc et argenté de l’équipe. Sa jupe plissée est remontée par la main du quarterback, comme si elle n’était pas déjà assez courte. Ses cheveux roux sont retenus en une queue-de-cheval garnie d’un ruban.

     — Cet endroit est réservé au club de jardinage et à celui de sciences !

     Mes doigts se contractent sur la bandoulière de mon sac, ils ne tournent même pas la tête vers moi.

     — On fait des expériences scientifiques, ricane Jake avec ses cheveux blonds en bataille.

     Je croise les bras, il me gonfle avec son air supérieur. Jake est mon ennemi depuis son arrivée au lycée. Il a cet insupportable accent new-yorkais qui donne l’impression qu’il méprise les gens en permanence.

     — Ah oui ? Tu vérifies le réflexe nauséeux humain en lui caressant les amygdales avec ta langue ?

     — La ferme, petite grenouille. Retourne à tes équations, soupire Candice.

     Petite grenouille.

     On m’appelle comme ça depuis que le lycée a découvert ma capacité à prévoir la météo. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on met une grenouille avec une échelle dans un bocal, elle peut annoncer la pluie. Un surnom tout en finesse et brillant d’intelligence. Mais je ne leur en veux pas, les sportifs sont tellement stupides que j’ai presque été impressionnée qu’ils sachent que l’animal soit capable de donner le temps.

     Je tourne le dos au couple et à ses bruits dégueulasses de langues qui se cherchent pour m’enfermer dans notre petit local météo. Notre station permet de faire des relevés basiques. J’analyse toutes les données, prends soigneusement des notes pour tout interpréter dans un bulletin clair. J’arrive à prévoir sur trois jours, et quand je suis en forme je donne même les prévisions heures par heures.

     J’écris rapidement sur mon bloc-notes, le temps s’annonce clément. J’aime cette période de l’année où l’air est doux, juste agréable. Le printemps est là et tout le monde profite du petit temps de répit avant la saison des orages. Quand je sors de la station météo, le couple s’embrasse toujours.

     Bon sang, mais ils n’en ont pas marre de boire la salive de l’autre ?

     Je les trouve tout simplement gerbant. Candice est la reine des garces et Jake le roi des abrutis. On peut dire qu’ils sont faits pour engendrer une nouvelle génération de sportifs aussi débiles que méchants. J’en frissonne.

     Je retourne dans le lycée, fais un bref arrêt à mon casier qui déborde de trucs pour récupérer mes livres avant d’aller à la salle des profs. Mon index heurte le bois et c’est la bourrue Madame Teveley, professeure d’allemand, qui m’ouvre.

     — C’est pour ?

     Pour la même chose que tous les matins depuis trois ans…

     — Bulletin météo pour les coachs.

     — C’est aussi utile qu’une radio chez un sourd, marmonne-t-elle.

     Bien sûr, il y a les bulletins météo locaux à la télévision et dans le journal. Mais il semblerait que les coachs préfèrent se fier à mes prévisions. Elle prend le papier, avec une moue méprisante. La sonnerie m’oblige à aller en cours. La journée commence par un cours d’histoire, dans une salle décorée de frises chronologiques. Malheureusement pour moi, ce cours n’existe pas en « avancé » dans ce lycée, comme d’autres matières où je me frappe Jake et Candice pour mon plus grand bonheur.

     Holly, ma meilleure amie, est déjà installée à sa table, toujours aussi parfaite. Son dos est parfaitement droit, la silhouette tout en courbes est mise en valeur par une robe rockabilly. Et ses cheveux noirs, parfaitement coiffés, font paraître sa peau encore plus blanche. Ses yeux gris, parfaitement maquillés, pétillent. Je me glisse à la place à côté d’elle. Nous ne sommes ensemble qu’en histoire et sport, alors nous profitons généralement de l’heure pour nous échanger des petits mots. Heureusement, notre planning ne compte qu’une journée « A », les lundis, mercredis et vendredis. Et une journée « B », les mardis et jeudis. Nous avons un planning pour la journée A et un pour la journée B. Ce qui nous permet d’être ensemble trois soirs par semaine.

     — Alors, tu t’en es sortie avec les gâteaux ?

     — Oui. Enfin… la farine a bien failli gagner quand je me suis battue avec.

     Un vacarme nous fait sursauter alors qu’elle commence à glousser. C’est Jake et deux autres sportifs qui déboulent dans la salle avec une grosse paire de lunettes, aux verres en cul de bouteille, à la main. Je fronce les sourcils, elles appartiennent à Coddie, un gars du club de sciences en dernière année.

     — Allez, attrape-les ! se moque le quarterback.

     Mon camarade du club de sciences saute, mais Jake est un géant. Le ventre bedonnant de Coddie tend le tissu de sa chemise à carreaux. Il est essoufflé, je pense que ces brutes ont dû lui faire faire le tour du lycée en sautillant. Ses cheveux châtains brillent de sueur.

     — Doucement, ça coûte cher ! Rends-les-moi !

     Jake se marre, les jette en l’air avant de les rattraper. La colère monte en moi. Je ne supporte pas de voir cette bande de gorilles malmener des personnes. Je froisse un papier dans un geste rageur et le lance à la tête du quarterback.

     — Donne-lui ses lunettes et fous-lui la paix !

     Ma voix est forte, assurée. Jake cligne plusieurs fois des yeux en fixant le projectile au sol.

     — Qu’est-ce qu’elle veut la petite grenouille ? m’agresse Simon.

     Ce grand mec à la peau sombre a tendance à terroriser les gens. Mais pas moi, je quitte ma chaise, malgré les tentatives de Holly pour me retenir, et m’approche du trio infernal sans perdre courage. Plantée devant Jake, je lève la tête pour saisir ses iris noisette. Ses cheveux blonds sont de nouveau soigneusement coiffés en arrière, on pourrait presque le croire angélique. Mais c’est un piège, ce sale type a le démon au corps. Lui et ses potes me collent la gerbe avec leur harcèlement quotidien.

     — Rends-lui ses lunettes, j’articule en détachant soigneusement chaque syllabe.

     Sa lèvre s’étire en un sourire en coin. Les deux idiots qui l’accompagnent s’amusent à coasser. Mais je m’en fous. Coddie ne mérite pas qu’on lui fasse la misère.

     — Carter, c’est bon, murmure-t-il. Je vais me débrouiller.

     — Elle a raison, me soutient Holly. Rends-les-lui !

     Je ne lâche pas l’affaire. Menton relevé, je continue de défier Jake. Je n’entends plus ce qui se passe autour de nous. Son bras en l’air tremble, mes poings se vissent à mes hanches. Mon cœur tambourine, je ne dois pas faiblir. L’envie de lui coller mon genou dans les parties devient de plus en plus difficile à retenir.

     — Qu’est-ce qu’il se passe ici ?

     La voix du professeur rompt le contact, l’atmosphère est électrique.

     — Rien, on a juste fait une petite plaisanterie, justifie Jake.

     Il rend les lunettes à leur propriétaire et j’adresse un sourire à mon ami. J’espère qu’elles ne sont pas abîmées.

     — Bien. Jake et Carter, vous pouvez retrouver vos places. Et vous autres, dépêchez-vous de rejoindre vos classes avant d’avoir un retard.

     Quoi ? C’est tout ?

     Pour une fois, ça s’est passé devant un prof. C’est l’occasion parfaite pour sanctionner le harcèlement.

     — Excusez-moi, Monsieur, mais… Jake a failli casser les lunettes de Coddie, et ça coûte cher, je m’insurge.

     Monsieur Stile s’installe à son bureau, l’air détaché.

     — Carter, vous êtes au lycée et pas à la maternelle. Dialoguez entre vous.

     Il est blasé et ça me dégoûte. Je m’apprête à répondre quand une main se pose sur mon épaule. C’est celle d’Holly.

     — N’insiste pas, souffle-t-elle. Stile se fiche du harcèlement, mais pas le coach Stanley. 

     Un dernier regard pour l’imbécile de quarterback et je retourne à ma place avec une colère sourde qui me bouffe. Holly a raison. Notre prof d’histoire fait partie de ces profs qui vous donnent le sentiment qu’ils subissent chaque jour passé au lycée. Heureusement, ils ne sont pas tous comme ça !

     Néanmoins, le harcèlement scolaire est un véritable souci à l’échelle nationale. Pour preuve, il a fallu lancer des campagnes pour lutter contre ce fléau.

     Après le serment d’allégeance à notre pays, je me plonge dans notre cours sur la fondation de notre État. Je prends avidement des notes quand soudain Holly me glisse un petit mot :

     « Tenir tête à Monseigneur Jake, c’était courageux ! »

     Je me retiens de pouffer, il n’y a rien de courageux à remettre en place quelqu’un. J’aurais préféré que le prof lui colle une retenue ou une convocation chez le principal. Mais dans ce lycée il semblerait qu’on doive se débrouiller. Je me concentre à nouveau sur ma copie, les heures passent trop lentement lorsqu’on est en cours.

     À la pause du matin, je passe un tee-shirt de notre club bien trop grand pour moi. Le mot « Thunder » est écrit en lettres marines rectilignes, bordées d’un liseré argenté avec une racine carrée qui emprisonne le nom de l’équipe. Je fais un arrêt au panneau d’affichage. Il déborde de feuilles de toutes les couleurs pour promouvoir les différents clubs et évènements. Mais c’est une affiche avec une magnifique photo de tornade qui attire mon attention :

     « Réunion d’information sur les tornades et les risques liés aux orages. Présence obligatoire. »

     Tous les ans, nous avons le droit à cette fameuse réunion à propos de règles élémentaires de sécurité. Mais cette année, un nom est écrit en gras et rouge. Mark Oliver. Mon estomac se noue. Je connais parfaitement ce type et je n’ai aucune envie de le voir au lycée. Il est arrogant, imbuvable, prétentieux et… monstrueux. Et je me demande bien pourquoi le lycée l’a choisi lui, plutôt que quelqu’un de plus âgé et expérimenté en matière de chasse à la tornade. Car oui, Mark Oliver a commencé à chasser les tornades lors de sa dernière année de lycée, ça fait maintenant deux ans. Ma mâchoire se contracte. Mais la foule d’élèves m’emporte jusqu’à l’extérieur, mettant fin au triturage de mes méninges.

     Notre stand est placé dans la cour de la cafétéria. C’est celle avec des tables en bois scellées dans le sol avec leurs bancs. Une obligation dans une région balayée par les vents violents. Mes gâteaux ne sont pas trop mal, je dirais même qu’ils sentent assez bon. Nous sommes cinq dans notre club, il n’est pas franchement populaire. Le fait qu’on se fasse malmener par les sportifs ne donne pas envie aux élèves de s’inscrire. Pourtant, c’est un vrai plus sur le C.V d’entrée à l’université.

     Coddie me remercie pour la centième fois d’être intervenue ce matin. Pierce, qui n’était pas en cours avec nous, découvre ce qu’il s’est produit. Miguel et Liam, arrivés cette année au lycée, retiennent leur souffle quand Coddie raconte l’altercation. Je trouve ça un peu ridicule, il ne s’est pas passé grand-chose.

     Il faut dire que Miguel et Liam viennent chacun de familles très posées et allergiques au conflit. Mais ce que j’admire chez eux, c’est leur manière d’encaisser des remarques sur leurs origines sans sauter à la gorge des racistes. On promet à Miguel un avenir de concierge à cause de ses origines latino. Quant à Liam, les cheerleaders lui demandent souvent s’il compte aller bosser dans une rizière.

     C’est dingue. Ce lycée n’a rien contre les Afro-Américains qui sont même les gens les plus cool, cependant pour les autres ethnies une haine à la fois sourde et terrible flotte dans les rapports entre élèves. Encore une anomalie qui devrait alerter les profs. Aucune origine n’est supérieure à une autre, nous sommes des humains et c’est tout. Je suis la première à défendre cet esprit d’équité. Je n’ai jamais haï quelqu’un pour sa couleur de peau, ça me paraît toujours surréaliste. 

     — Un petit sourire ?

     Holly nous surprend avec son appareil photo. Elle est la très sérieuse présidente du comité de l’album annuel, de celui du bal de fin d’année et du club de journalisme. Cette brune pulpeuse a l’air de sortir des années 50. Elle ne porte que des robes vintages qui mettent en avant sa poitrine généreuse pour gommer son petit ventre rebondi. Même en dormant chez elle, je ne l’ai jamais vue autrement que parfaite.

     Avec les garçons, nous prenons la pose. Elle prend plusieurs clichés, avant que nous ne soyons envahis de gourmands.

     — La semaine prochaine, ce sera à vos mères de faire les gâteaux, je préviens.

     — Ouais, Carter a un contentieux avec la farine, se marre Pierce.

     Je ris avec lui, Tantine a dû avoir un sacré boulot pour nettoyer le carnage dans la cuisine. Holly s’éclipse pour ranger soigneusement son appareil photo et vient nous aider pour la vente. C’est l’occasion pour nous de papoter de nos projets de sorties. Une soirée films romantiques nous fait de l’œil au cinéma. J’aime passer du temps avec Holly. C’est quelqu’un de très reposant. Elle est toujours positive. On a eu un coup de foudre amical au jardin d’enfants où nous étions pourtant des opposés. Elle était jupes plissées, cols Claudine et collants blancs. J’étais baskets, bermudas avec des accros et tee-shirts ornés de dinosaures. Oui, pendant longtemps j’ai été passionnée par les dinosaures. J’ai tellement vu Jurassic Park que la VHS est morte et le D.V.D est à l’agonie. Puis, j’ai découvert quelque chose de plus gros et plus terrifiant qu’un T-rex : les tornades.

     La vente se déroule à merveille, les brownies sont les premiers à partir. Soudain une grande main pioche dans les cookies.

     — Hey ! C’est nous qui servons, je proteste.

     Mon regard remonte le long d’un bras aux muscles ciselés et rencontre des yeux noisette aux reflets vert intense. Ce rustre de Jake fourre le gâteau dans sa bouche.

     — C’est un dollar, je ronchonne.

     Il en prend un second, je tente de le retenir, mais il le gobe aussi vite que le premier.

     — Deux dollars !

     — Écoute, petite grenouille, je vais t’expliquer un truc…

     — Je t’écoute, espèce d’abruti, je coupe.

     La colère passe sur son visage, le rembrunit. Je n’ai pas l’intention de me laisser faire. Le silence se fait autour de nous, tout le monde attend le clash. Mon corps tout entier tressaille sous l’effet de l’adrénaline. Il faut dire qu’aujourd’hui je les enchaîne avec lui.

     — Dans ce lycée, je suis la star. Football, basket, base-ball, y a rien qui me résiste !

     — Rien. Sauf les livres sans images, les équations…

     — La ferme ! crache-t-il en saisissant mon poignet.

     Son regard se trouble. Il me contraint à me rapprocher par-dessus la table, nos nez se frôlent. Une rage puissante se dégage de lui. Il presse douloureusement mon articulation.

     C’est quoi son putain de souci avec nous ?

     — Tu nous dois deux dollars, je persifle.

     — Retire ce que tu as dit.

     — Je pourrais le retirer, mais toi et moi nous savons que c’est la vérité.

     Il me relâche dans un grognement et extirpe de sa poche un billet de cinq dollars.

     — Garde la monnaie, votre club fait trop pitié.

     — Quel grand seigneur, je raille.

     Doucement, la vie reprend. Comme après le passage d’une tornade. Les gens sortent lentement de leur torpeur, commentent ce à quoi ils viennent d’assister. Mon meilleur ami me prend par les épaules, il a son air réprobateur.

     — Tu peux pas lui parler comme ça.

     — Et pourquoi pas ?

     — Parce que tu vas finir plongée dans une benne à ordures, ou va savoir ! Ils nous malmènent déjà assez sans que tu fasses la guerre à Jake.

     Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel. J’adore Pierce, mais c’est un grand trouillard. Et on s’affronte avec Jake depuis son arrivée au lycée. Ce n’est pas comme si c’était nouveau.

     — C’est lui qui me provoque. Et cette bande d’imbéciles ne me fait pas peur.

     Je ne crains rien ni personne. Et je n’ai pas l’intention d’être une victime seulement parce qu’il y a une stupide règle, ou tradition, qui veut que les nerds soient les têtes de Turcs des sportifs depuis que Jake a pris leur tête. Je ne sais pas ce que c’est son problème avec nous, mais je n’ai pas peur d’eux.

     Je suis fière de celle que je suis en dehors de la chasse. J’assume d’être passionnée par des sujets qui ennuient les gens. Je n’ai pas peur pas de dire que je préfère réviser devant des animés japonais plutôt qu’aller à une soirée. Et, surtout, je ne redoute pas de remettre Jake à sa place. D’autant plus que certains profs, à l’image de monsieur Stile, se bornent à croire que c’est aux nerds de se remettre en question et à ouvrir le dialogue avec les sportifs.

***

     Holly nous rejoint à table, elle a réussi à prendre deux desserts. Un tour de force quand on sait que la cantinière surveille toujours les plateaux à la cafétéria. Les cheerleaders envahissent la pièce pour scander leur nouveau slogan. Candice scrute Lyne, la capitaine. La jalousie lui bouffe le regard, elle rêve de cette place depuis son arrivée au lycée. Elle est déjà infecte en tant que simple pom-pom-girl. Alors, si elle décroche la place de capitaine, je n’ose imaginer le massacre.

     — Pierce, ferme la bouche, rigole Holly.

     — Tu as un peu de bave au coin des lèvres, je surenchéris dans un éclat de rire.

     Pierce se renfrogne. Il observe attentivement Kash, une magnifique cheerleader à la peau sombre. Notre table est isolée dans un recoin. Nous avons pris l’habitude de déjeuner seulement tous les trois. Et, dans la mesure où je suis cataloguée comme peu fréquentable, on ne souffre pas des incrustes.

     Les élèves applaudissent la performance des cheerleaders tandis que je me concentre sur mes frites. C’est dire si je me fiche de leurs acrobaties. Soudain, une ombre me cache le soleil. Je suis entourée par quatre joueurs de l’équipe, dont Jake.

     — Tu veux ta monnaie finalement ?

     Sans un mot, ils m’aspergent avec du soda et du lait. Ils appellent ça le « jus de science ». J’ai juste le temps de fermer les yeux, l’odeur du mélange est immonde. Mes amis n’osent rien dire, paralysés.  Je m’essuie le visage avec une serviette en papier sans me démonter. Ils sont assez fiers d’eux.

     — Bien. Et donc, ça nous avance à quoi ? je questionne avec calme.

     Ne jamais leur faire le plaisir de montrer que ça me dégoûte. Au contraire. C’est la meilleure façon de se venger.

     — Plus jamais tu te foutras de ma gueule !

     Sa voix est bizarre. Si ce n’était pas une montagne de muscles dépourvue d’humanité, je pourrais presque croire que je l’ai vraiment blessé. Mais c’est ridicule. J’ai seulement dû égratigner sa fierté de mâle. Je hoche la tête, l’air profondément concernée et compréhensive avant de froncer les sourcils.

     À quoi ça les avance de faire ça ?

     — Tu sais, si j’étais en sucre, la menace de me faire asperger par des liquides serait une perspective effrayante.

     — Arrête de faire comme si ça te touchait pas !

     Non, ça ne me touche pas. Depuis la disparition de mes parents, j’ai appris à relativiser. Pour que quelque chose me blesse, il faut y aller. Quand on s’en prend à mes amis, je m’énerve. Mais pour moi, je m’en moque. Il espère m’inspirer de la peur. Mais ma seule crainte, c’est que toutes les cases de ma vie se mélangent et que je perde le contrôle. Il croit pouvoir faire sa loi avec moi depuis son arrivée au lycée, mais il se borne à échouer. Furieux, il déguerpit. Je ne peux retenir un sourire victorieux malgré les élèves qui se foutent copieusement de moi.

     — Non mais quel crétin ! s’énerve Holly. 

     — Il y a pire que se faire asperger, je philosophe.

     — Ouais, mais quand même…

     Je préfère me concentrer sur mon repas plutôt que d’entrer dans le débat. Le steak haché est aussi indigeste que la discussion de mes meilleurs amis à propos de mon odeur. Lassée, je lève les mains en signe de capitulation.

     — Je vais aller prendre une douche dans les vestiaires, j’ai compris.

     — Et tu comptes y aller rapidement ? demande Holly, narines pincées.

     Je lui tire la langue, mon estomac passe avant la gêne olfactive. Avec une lenteur exagérée, je déballe mon muffin au chocolat. J’adore cette pâtisserie.

     — On va à la soirée Ciné-Romance samedi ? reprend Holly.

     Génial, on passe à autre chose !

     — Bien sûr ! En plus les places sont vraiment données, je m’enthousiasme.

     — Pitié non ! gémit Pierce.

     — Tu as un souci avec les romances ? le provoque-t-elle.

     Bien sûr que Pierce a un souci avec ces films…

     — Oui, j’ai un problème avec ! On t’annonce un truc super cool : « Dirty Dancing ». Tu t’attends presque à un film érotique et en fait c’est juste de la danse.

     J’explose de rire face à sa déception encore perceptible malgré les années. On se connaissait depuis quelques mois quand le cinéma a rediffusé ce grand classique. Holly était partie à Yellowstone avec ses parents et je me retrouvais seule avec notre nouvel ami. Quand je lui avais proposé d’aller voir ce film, il a rougi jusqu’aux oreilles et bredouillé un « oui » timide. Sur le coup, je n’avais pas saisi pourquoi ma proposition lui faisait cet effet. Mais, lorsque j’ai compris qu’il s’attendait à un truc vraiment « dirty », j’en ai ri pendant des jours.

     — Passe au salon, ma tante nous coiffera !

     Il n’y a pas de vraie soirée entre filles sans qu’on se fasse un peu chouchouter au salon de Tantine.

     — Maman nous fera des sandwiches. Ils diffusent Dirty Dancing, Grease et Pretty Woman !

     — Ta mère fait des sandwiches parfaits !

     Chez les Grace, tout est toujours parfait. C’est le genre de famille qu’on peut voir dans les séries. Sa mère est une femme au foyer exemplaire, son père voyage beaucoup pour l’un des plus gros promoteurs américains. Elle a un petit frère, Tomy, qui est l’enfant idéal. Toujours poli, intelligent et presque toujours propre sur lui. Sa frimousse brune fait craquer tout le monde, à commencer par moi.

     Holly et sa famille sont comme des fossiles à mes yeux. Quelque chose de figé dans la roche qui ne bougera jamais et qui témoigne de mon passé. Nous vivions dans la même rue. Quand je vais chez elle, je vois mon ancienne maison. Les Grace me rassurent, ils sont un pilier. Plus prévisibles qu’un épisode où des ados font la fête pendant l’absence de leurs parents. Madame Grace s’était relayée à l’hôpital avec ma tante. Et même si elle ne m’a jamais autorisée à l’appeler par son prénom, elle est tout aussi importante que ma tante. Monsieur Grace est devenu la figure masculine. Et je considère Holly et Tomy comme mes frères et sœurs.

     Holly m’a vue brisée. Et elle m’a vue me reconstruire. Mais, quand je croise ses yeux, je sais qu’au fond de son cœur, elle a peur que je n’explose à nouveau en plein vol. Je pose ma main sur la sienne. Elle sourit, malgré son air un peu dégoûté. Comme quand je lui sautais dessus après avoir joué dans la boue au jardin d’enfant.

     — On va passer une super soirée, je lui souris.

     — Et moi je vais rester à la maison devant Star Wars, maugrée Pierce.

     — Tu es tellement cliché mon pauvre garçon, je me moque.

     Il me lance une boulette de pain, je réplique avec le papier d’emballage du muffin. Nous rions comme deux baleines sous l’air dépité d’Holly qui préfère le calme aux gamineries.

     — Tu as géré l’interro d’algèbre ? questionne-t-il.

     — C’était facile pour une classe censée être renforcée, je me désole.

     — Tu trouves toujours tout facile, constate Holly.

     C’est vrai. J’ai beau suivre majoritairement des cours d’un niveau avancé, j’ai toujours l’impression d’avoir un train d’avance. Je me languis d’être à la fac pour relever de nouveaux défis. Je vise les meilleures universités et je fais tout pour décrocher des bourses.

     — C’est peut-être parce que j’ai besoin de prendre des risques que je fricote avec… vous savez quoi, je finis par supposer.

     Un silence pesant tombe sur notre tablée. « Vous savez quoi », les tornades. Un mot que je ne prononce pas tout haut consciemment, pour protéger cet aspect de ma vie. Pierce et Holly échangent des regards entendus, ils ont l’art de tenir des conciliabules muets. Je pianote avec mes doigts sur la table marine aux couleurs des Thunder. D’un haussement de sourcil, je les invite à dire le fond de leur pensée. Même si c’est toujours la même rengaine.

     — On préférerait que tu aies un loisir où ta vie n’est pas en jeu, bredouille ma meilleure amie.

     Nous y voilà. Je chasse les tornades depuis mon plus jeune âge. J’accompagnais mes parents, tout le monde les traitait d’irresponsables. Puis, l’an dernier, j’ai pu intégrer une équipe de chasseurs grâce à mes connaissances. Et c’est ma tante, ainsi que Kyle qui m’a recrutée, que les gens se sont mis à traiter d’irresponsable. Enfin… Ceux qui savent. Heureusement pour moi, la plupart des gens se fichent éperdument de ma vie.

     — Nous le faisons pour sauver des vies. Nous étudions les phénomènes pour mieux les comprendre et pouvoir les prévenir de manière plus efficace, je les rassure à voix basse.

     — Oui. Mais, le fait est que, lorsque avril arrive, on n’est pas bien. On sait que tu vas partir, que tu vas aller intercepter des monstres, angoisse Pierce, tout bas.

     — On t’aime, Carter. On s’inquiète pour toi et pour ta vie. J’ai connu tes parents et…

     Sa voix s’étrangle. Je leur prends les mains. Leur inquiétude me touche, mais je ne lâcherai pour rien au monde la chasse. C’est une mission ancrée au fond de mon cœur. Alors, même si j’ai un léger pincement à l’âme en sachant qu’ils se font du mouron, rien ne peut aller contre ma volonté de percer les mystères de ce phénomène météorologique. Ni contre celle de sauver des vies. Mes parents sont morts pour ça, et je n’abandonnerai pas.

     — Je suis à l’abri dans un véhicule blindé. Alors, on sourit et on profite que je m’éclipse pour parler de mon odeur pestilentielle.

     Ils parviennent à sourire, mais je sais que la peur est toujours là, nichée dans leur poitrine. Je quitte la table avec mon plateau, garde la tête haute malgré les moqueries et en jette le contenu. J’épingle le regard de Jake, il affiche sa suffisance en croisant ses bras sur son torse outrageusement gonflé de muscles. S’il mettait autant de cœur à réviser ses cours qu’à pousser de la fonte, ce type serait major de la promo.

     Je le provoque avec un clin d’œil, signe que je m’en contrefous royalement de mon odeur de jus de science et de ma peau collante. À la sortie de la cafétéria, je croise le coach Stanley. Parfait ! Je n’aurai pas à aller me plaindre en salle des profs. Il me regarde de haut en bas avant de pousser un grognement :

     — Jake et ses coéquipiers t’ont encore douchée au soda et au lait ?

     Il a l’habitude de mes altercations avec son quarterback. Un simple hochement de tête pour confirmer. Je sais que l’affaire sera prise au sérieux avec lui.

     Je longe les couloirs jusqu’à mon casier. À force de nous faire asperger par le mélange dégueu, les membres du club de sciences ont toujours de quoi se changer. Sur l’intérieur de la porte métallique, une photo de nous trois. Mes parents et moi. À côté de leur 4×4 amélioré. Je n’ai presque plus mal quand j’y pense. Je l’effleure, pour me donner du courage. Je finirai ce qu’ils ont commencé. Je parviendrai à mettre en place un système d’alerte efficace, des normes de constructions pour résister à la colère de la nature. Je suis déterminée. Et la détermination étrangle la peur.

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